Le Monde d'après 11 septembre est-il devenu plus chinois ?

10/09/2011 | Benjamin Gauducheau (Aujourd'hui la Chine).

Dix ans après les attaques, à Washington comme à Pékin, on analyse le 11 septembre comme un moment clé dans le jeu de pouvoir entre l'Amérique et la Chine.
Les tours jumelles sont toujours debout dans la réplique miniature de Manhattan du parc Window of the World, à Shenzhen
On l'oublie parfois, mais les conséquences des attentats du 11 septembre 2011 ne se sont pas limitées aux seuls États-Unis.
S'ils ont été l'occasion pour la première puissance mondiale de restreindre les libertés de ses citoyens et de se lancer à tous crins dans de nouvelles guerres, l'événement a également servi d'argument politique à bien d'autres pays, dont la Chine.
Au niveau de sa politique intérieure, d'abord, la Chine a largement utilisé l'argument terroriste pour mener une répression sur ses dissidents politiques, particulièrement au Xinjiang.
L'excuse terroriste
Dans cette région fortement musulmane très liée culturellement à l'Asie centrale, les revendications indépendantistes ont toujours été présentes, et Pékin ne les a jamais appréciées. Il y a dix ans, le gouvernement chinois a vite réagi au 11 septembre en accusant les militants Ouïgours de liens avec al Qaeda. Très vite, le mot "terroriste" est venu s'apposer dans le discours officiel, à celui de "séparatiste".
Pourtant, si certains de ces militants recourent parfois à des méthodes d'action violentes, la plupart des experts ne croient pas à une présence de l'organisation dans la région.
"On ne voit pas d'armement organisé et sophistiqué, et on a même pas vu de vraies attaques kamikazes documentées, ce qui est pourtant la marque de fabrique de ce genre de groupes, explique Dru Gladney, spécialiste du Xinjiang à l'universitéPomona de Californie, interrogé par ReutersJe pense qu'en général, les Ouïgours continuent à être très résistants au terrorisme violent. Ils pensent que cela desservira leur cause".
Quelques Ouïgours ont bien été arrêtés par les Etats-Unis pendant la guerre d'Afghanistan qui a suivi le 11 septembre, mais, incapable de rassembler des preuves contre eux, le gouvernement américain a fini par les relâcher, en admettant qu'il ne s'agissait pas d'"ennemis combattants".
Globalement, au moins 35 000 personnes ont été condamnées pour terrorisme à travers le monde depuis les attaques du 11 septembre 2001, alors que ce nombre n'exédait pas quelques centaines par an avant cette date, selon Associated Press, qui a réalisé une étude sur la question.
Selon AP, "l'enquête a permis de constater que plus de la moitié des condamnations ont été imposées dans deux pays -la Chine et la Turquie- qui sont fréquemment accusés d'utiliser des lois antiterrorisme pour écraser la dissidence".
A noter que les États-Unis ne sont pas en reste, avec 2934 arrestations et 2568 condamnations pour ce motif dans les dix dernières années, soit huit fois plus que dans la décennie précédente. Sans compter les arrestations, détentions arbitraires et tortures désormais bien connues du camp de Guantanamo.
La montée d'un empire
Sur le plan de la politique extérieure, le 11 septembre a en quelques sortes marqué la fin de la suprématie jusqu'alors incontestée des États-Unis, en grande partie au profit de la Chine, devenue il y a un an la deuxième puissance mondiale, devant le Japon.
Avant le 11 septembre, la Chine était un acteur secondaire sur la scène internationale. En 1996, lorsqu'elle avait tenté de s'affirmer en procédant à des tirs de missiles d'essais proches de Taiwan, la Chine avait vite dû faire profil bas devant la flotte rapidement déployée par les États-Unis.
Aujourd'hui, le premier créancier de l'Oncle Sam ne le laisse plus faire la loi tout seul dans la région, et beaucoup prédisent que la Chine éclipsera bientôt totalement les États-Unis et le pouvoir qu'ils exercent encore en Asie du sud-est.
Ces dernières années, la Chine a d'ailleurs prouvé à plusieurs reprises sa suprématie régionale, comme ce fût le cas lors de la crise diplomatique provoquée il y a un an par un différend avec le Japon autour d'îlots disputés.
Pour Yuan Peng, directeur des études américaines à l'Institut chinois des relations internationales contemporaines interrogé par le Globe and Mail, le 11 septembre "a amené les États-Unis à se concentrer sur le Moyen-Orient plutôt que sur l'Asie-Pacifique, ce qui a rendu l'environnement international de la Chine moins intense que prévu, et cela a été une bonne opportunité pour la Chine".