Le bonheur est dans le plat

(Billet posté avant 2009)
(ps.: je ne poste pas avec une logique de classe en tête)
Par Ariane Goldet
cet article est disparu de canoë

Pour combattre la déprime et booster son moral, inutile de se précipiter sur les pilules. II suffit d'aller faire son marché. Les spécialistes nous expliquent pourquoi et comment les aliments manipulent notre cerveau.

Si certaines nourritures traitent le corps, d'autres agissent sur l'esprit et gèrent les sautes d'humeur. Vous avez les bleus? Un carré de chocolat et tout repart. Vous vous sentez à  plat? Une banane et vous voilà  requinquée. Mais par quel processus les aliments ainsi avalés montent?ils à  la têe?

Le cerveau aime le sucre

Notre humeur est directement liée à  notre fonctionnement cérébral. C'est notre cerveau qui décide si on est de bon ou de mauvais poil", souligne en souriant le docteur Jean Marie Bourre, directeur de l'unité de neuro-toxicologie et de neuropharmaco-nutrition de l'Inserm, auteur de "La Diététique de la performance" (éd.Odile Jacob) et de "Je maigris!" (éd. Hachette)."Bien qu'il représente 2 % du poids de notre corps, le cerveau a besoin de dix fois plus d'énergie et d'oxygène que les autres organes pour bien fonctionner.'' à la moindre baisse de régime, nous voilà  fatiguée, lasse, sans goût pour rien. Incapable de se concentrer ni d'aligner deux idées. Tout s'embrouille et la mémoire commence à  faire défaut.

Que faut-il pour réfléchir vite et bien? Du sucre! "On estime que notre cerveau a besoin d'un morceau par heure. Mais pas question pour autant d'avaler dix sucres pour tenir dix heures! Ce carburant doit êre distillé au goutte à  goutte, de jour comme de nuit, sous forme de sucres lents. Trois minutes de panne sèche (exactement comme l'oxygène), et voilà  nos neurones hors circuit!" D'où l'intérê de choisir des sucres qui se diffusent lentement, régulièrement et sans interruption dans l'organisme. Cette énergie "longue durée" se trouve surtout dans les pâtes, le pain, le riz, les pommes de terre et les légumes secs. Compter 100 g de ces aliments par jour au minimum.

Le trio moral d'acier

Pour avoir les méninges bien "oxygénées", il faut de l'oxygène, bien sûr, mais aussi du fer, pour bien le fixer sur les globules rouges. Or, du fer, nous en manquons presque toutes. II y a fer et fer. Notre organisme absorbe 30 % du fer d'origine animale (foie, boudin, boeuf, cochon et mouton, puis, loin derrière, poulet, dinde et volaille), contre 2 % quand il est d'origine végétale (lentilles, haricots, persil, blé, y compris les épinards!).

On peut améliorer la biodisponibilité du fer absorbé en mangeant un aliment riche en vitamine C au même repas. Un petit salé aux lentilles avec une orange en dessert ou encore en couplant viande et légumes. Les protéines animales de la première facilitent la fixation du fer "végétal" du second. En revanche, attention au calcium (lait et laitages) et aux tanins (thé, café...) qui réduisent l'absorption.

Enfin, pour maintenir le dynamisme de notre cerveau, assurer la fluidité et la mobilité des membranes qui enveloppent les neurones, ajoutons un petit peu de corps gras (huiles de colza, noix, soja et germe de blé). Une bonne raison pour ne pas les écarter de l'alimentation, même si on veut perdre du poids.

Les glucides antiblues

Une contrariété, un coup de stress, une frustration... et on se jette sur des confiseries, des biscuits, une bonne assiette de purée ou encore une rà´tie à  la confiture... Le professeur Richard Wurtman a étudié de très près nos fringales de sucreries. Selon lui, les aliments glucidiques (confiserie, sucre, chocolat, pain, féculents, riz, pommes de terre) nous réconfortent et nous consolent. Ils nous rendent moins anxieuses, plus énergiques, plus heureuses, chacune étant plus ou moins sensible à  ce phénomène. Ce chercheur a identifié des"boulimiques de glucides", des femmes principalement, qui se shootent aux féculents et au sucre, surtout entre les repas et dans la semaine qui précède leurs règles.

Pourquoi ces précieux glucides nous remontent-ils le moral? Parce qu'ils font grimper notre taux de sérotonine (30 g de riz suffisent à  déclencher un pic). La sérotonine est un neurotransmetteur, un messager chimique utilisé par nos neurones pour communiquer entre eux. Elle orchestre notre humeur et notre appétit, qui sont étroitement liés. Voilà  pourquoi certaines prennent du poids quand elles dépriment, ont des soucis de boulot ou des peines de cÅ?ur. Instinctivement, elles se jettent sur les confiseries et autres gâteaux qui contiennent souvent autant de sucres que de graisses (il y a aujourd'hui cinq fois plus de gras dans les gâteaux que dans la viande et la charcuterie).

Un conseil: choisissez de bons glucides ( 100 à  120 g par jour), ceux qui apportent le plus d'amidon et le moins de gras, donc le moins de calories (pain de seigle sans trop de confiture ni de chocolat à  tartiner, pâtes à  la sauce tomate sans parmesan, pommes de terre en robe des champs, légumes secs), fractionnez leur prise tout au long de la journée (pas le soir, car l'organisme les met en réserve) et résistez aux pures sucreries (confitures, confiseries, desserts sucrés, sodas, crèmes glacées, bonbons). à l'inverse, les mécanismes de la sérotonine expliquent aussi pourquoi les régimes sans glucides (diètes protéinées sans fruits ni légumes ni sucres) sont si difficiles à  suivre sur la longueur.

Malgré leur efficacité, on les abandonne rapidement parce qu'on a un moral à  zéro. Mais si vous n'êes pas une boulimique de glucides, inutile d'augmenter les doses pour êre de meilleure humeur. Vous seriez un tantinet trop zen. En clair, évitez le bol à  salade rempli de pâtes accompagné de pain au déjeuner, qui risquent de vous plonger dans un état de somnolence et de lassitude tout l'agrès?midi! Bon à  savoir: la nicotine fait monter le taux de sérotonine. Si on arrêe la cigarette, on est en manque, on déprime et on mange. D'où la prise de poids.

L'indispensable tryptophane

Pour fabriquer de la sérotonine, les glucides ne suffisent pas. On a besoin d'une matière première essentielle, d'un acide aminé issu des protéines alimentaires: le tryptophane. S'il vient à  manquer, même combat; on a le moral à  plat, on est irritable, instable, agressive, un peu déprimée, avec en prime de sérieux problèmes de sommeil.

Un spécialiste en pharmacologie explique : "nous sommes nombreux à  êre carencés en tryptophane. Autrefois, l'homme qui consommait 3 000 calories par jour avait sa ration journalière. Aujourd'hui, elle est insufflante dans les 2 400 calories qu'il avale. Ce manque pourrait expliquer l'augmentation des dépressions".

Où trouver ce précieux acide aminé? Dans les protéines de la dinde, du poulet, du poisson, des lentilles et des produits laitiers en particulier. Certains laboratoires travaillent sur des médicaments et des compléments à  avaler, capables de leurrer l'organisme, de mimer un super repas pour nous faire sécréter naturellement plus de sérotonine.

Le spécialiste nous livre son menu personel: de la viande à  midi, mais pas trop cuite (cet acide aminé étant fragile). Ou encore du soya ou des produits laitiers (buvez surtout le petit lait, liquide dans lequel baignent le yogourt, la faisselle ou le fromage blanc). Pourquoi à  midi? Pour redistribuer le tryptophane tout le reste de la journée, jusqu'au soir. Et pour optimiser l'activité de la sérotonine, prendre du magnésium (chocolat, germe de blé, noix, pain, eaux minérales) sur le coup de 17 h.

Des protéines pour l'énergie mentale

Les protéines sont de l'énergie en barre pour avoir les idées qui fusent. Si vous vous sentez fatiguée, lasse, sans aucun ressort, augmentez votre ration protéinée (viande, volaille, poisson, produits laitiers) et vous vous sentirez nettement plus opérationnelle.

On estime que 85 à  115 g de blanc de poulet ou un oeuf dur apportent à  votre cerveau suffisamment de tyrosine, acide aminé qui fait immédiatement monter le taux d'un autre neurotransmetteur clé pour notre humeur: la noradrénaline. Son effet "excitant" joue également sur la motivation, le désir et l'activité. Mais attention au gras qui accompagne les protéines. Si le thon de votre sandwich baigne dans la mayonnaise, vous risquez l'effet inverse. Car pour digérer ces lipides, l'organisme a besoin d'un afflux de sang supplémentaire, au détriment du cerveau qui accusera un coup de bambou. Pensez à  la moutarde et aux feuilles de salade entre le pain et le thon.

Pour êre d'une humeur de rêve et garder la ligne, pensez donc aux glucides lents. N'oubliez pas les protéines en mélangeant celles qui sont d'origine animale, mais qui renferment peu de gras (blanc de poulet, oeuf, calamar, morue, dorade, lotte, sole, merlan, produits laitiers maigres), et celles qui proviennent des végétaux (légumes secs, flocons d'avoine, pâtes). Et, surtout, retenez les paroles du docteur Jean Marie Bourre: "Manger avec plaisir. Le péché, c'est de ne pas êre gourmand!"

Du sucre dans la violence

La violence qui sévit aux Etats-Unis viendrait-elle d'un excès de sucre et de gras? Une étude récente montre que la surdose de milkshake, crèmes glacées et autres gâteaux à  toute heure de la journée met la glycémie (taux de sucre dans le sang) à  plat. On a faim sans arrê et on se sent mal.

Les enfants deviennent agressifs, les parents hargneux. La glycémie influe beaucoup sur notre moral et notre comportement. Un sucre délivré trop vite dans le sang entraîne un pic d'insuline qui provoque une sensation de faim importante dans les heures suivantes. Pour stabiliser votre glycémie, êre calme et sereine, avalez des aliments qui renferment de l'amidon (riz, pâtes, maïs, haricots, lentilles, pain de seigle...) ou encore des fruits (pomme, poire, banane, pamplemousse, jus d'orange). Essayez d'échapper aux grignotages hyper-sucrés (confiture, gâteaux, bonbons et autres confiseries). Et pensez à  avaler un déjeuner équilibré pour ne pas mordre en fin de matinée.

VITAMINES: LES JOKERS

Le lait est apaisant pour les enfants.


Celles du groupe B activent notre mental et nous permettent de transformer les aliments en énergie intellectuelle, fabriquer et réparer les tissus cérébraux et, surtout, synthétiser une substance euphorisante: la sérotonine.

Des chercheurs ont constaté que certains déprimés avaient un taux de vitamine B dans le sang très faible. En mangeant 125 g d'épinards cuits par jour pendant un an, 40 % d'entre eux se sentaient vraiment beaucoup mieux. Une des plus importantes est la 86, souvent déficitaire chez les femmes qui prennent la pilule. On la trouve surtout dans la banane, les céréales, les pois chiches, le riz, le saumon, le maquereau, le poulet, la viande blanche, le foie et les légumes verts feuillus. Autre intervenant important dans l'élaboration de sérotonine: la vitamine PP, qui se loge dans la levure de bière, le maquereau, la sardine, le thon et le saumon.

Le peptide de la béatitude

"On savait le lait apaisant. En fait, il l'est vraiment si on y ajoute une cuillerée de miel. Ce dernier renferme une enzyme qui libère un peptide calmant. Ce peptide expliquerait aussi l'état de béatitude du nouveau-né, qui aurait dans l'estomac ce précieux enzyme. Malheureusement, l'adulte ne le possède plus!" explique une diététicienne.

Aujourd'hui, les chercheurs de la société Ingredia sont parvenus à  isoler ce peptide bioactif, antistress et même satiétogène pour certains. Après le yogourt BA, on va passer aux produits "béats" et parvenir peut-êre à  limiter l'utilisation de médicaments anxiolytiques.



Dr. Richard Béliveau

- Les multiples pouvoirs du vin rouge
- À chacun sa tasse de thé... vert