NE TOUCHONS PAS À NOS SURPLUS

MIA HOMSY
DIRECTRICE GÉNÉRALE, INSTITUT DU QUÉBEC
@MiaHomsy

Depuis le dépôt du dernier budget du gouvernement Couillard, une certaine confusion persiste sur les finances publiques : le budget du Québec est-il à l’équilibre ou est-il plutôt en situation de surplus ? Qu’en est-il pour les prochaines années ?

Environ la moitié des diverses analyses et des articles sur le dernier budget rapportait que l’équilibre était atteint alors que l’autre moitié annonçait que le Québec baignait dorénavant dans des surplus de plusieurs milliards. Qui dit vrai ?

En 2015-2016, il y a effectivement, du point de vue des règles comptables et sur la base de la comparaison avec les autres juridictions, un surplus de 1,4 milliard de dollars.

Cette somme a été entièrement versée dans un fonds spécialement consacré au remboursement de la dette, cela est obligatoire en vertu de la loi sur la réduction de la dette instaurant le Fonds des générations. Ainsi, au sens de cette loi, le gouvernement atteint bel et bien l’équilibre budgétaire, car le solde budgétaire est à zéro une fois les paiements au Fonds des générations effectués.

Depuis 2006, le gouvernement s’est en effet doté d’un véhicule d’épargne obligatoire qui s’appelle le Fonds des générations. Des revenus y sont consacrés chaque année (principalement les redevances hydrauliques et, plus récemment, la majeure part de la taxe sur les boissons alcooliques). Il est impossible pour le gouvernement d’utiliser ces sommes, confiées à la Caisse de dépôt, à une autre fin que la réduction de la dette sans modifier la loi.

Ainsi, au cours des prochaines années, ce sont plusieurs milliards de dollars qui seront versés dans ce fonds pour rembourser la dette publique. En 2016-2017, ce sont près de 2 milliards que les Québécois consacrerons à réduire le poids de la dette, une somme qui va presque doubler d’ici 2020-2021 pour atteindre 3,8 milliards.

Qu’on soit pour ou contre le fait que ces sommes soient consacrées à alléger notre endettement collectif, tous doivent être au courant de la situation, car les sommes sont importantes et cela implique une contribution de tous les Québécois.

RÉDUIRE LA DETTE ET SES INTÉRÊTS

Alors que le Fonds des générations fêtera ses 10 ans mercredi, une question s’impose : est-ce une bonne idée de se priver de ces sommes qui pourraient servir à financer nos services publics alors que nous sortons de plusieurs années de vache maigre ? Oui, parce que, comme plusieurs études l’ont démontré, à long terme, c’est en réduisant le poids de la dette sur l’économie, et donc les intérêts de plus de 10 milliards que nous payons annuellement, que des sommes importantes pourront être dégagées et réinvesties dans les services et permettre un maintien des services publics lors d’une éventuelle récession.

Comme le Québec s’est beaucoup endetté au cours des dernières décennies, notamment pour améliorer l’état pitoyable de ses infrastructures et pour faire face aux récessions (deux bonnes décisions), le temps est venu de prendre les moyens de diminuer graduellement le poids de la dette.

À cause du vieillissement de la population, la croissance de l’économie du Québec sera dorénavant plus limitée et donc la croissance des revenus sera plus faible qu’elle ne l’a été au cours des dernières décennies.

Dans ce contexte, la seule façon d’assurer la pérennité de nos services publics n’est pas de piger dans le Fonds des générations, ni de réduire les versements qui y sont consacrés, mais plutôt de mettre en place les conditions pour une croissance plus soutenue à long terme. Cela commence par une main-d’œuvre qualifiée, bien formée et innovante qui saura répondre aux besoins d’une société moderne de plus en plus basée sur les technologies avancées.