SAUVONS NOTRE SYSTÈME D’ALIMENTATION PUBLIC

Dans un Québec devenu réellement solidaire, le gouvernement a nationalisé le système d’alimentation. Les fermes sont gérées par la Régie québécoise de la production alimentaire (la RQPA). Une autre société d’État, la Commission de l’autosuffisance alimentaire du Québec (la CAAQ), est responsable de l’importation de ce qu’on ne réussit pas à produire au Québec depuis la mise en place du Programme national de souveraineté alimentaire.

Enfin, la distribution des aliments se fait par l’entremise du Réseau de distribution alimentaire du Québec (le RDAQ), qui possède un Centre de distribution alimentaire (dans le langage familier, un «distral») dans chaque quartier et village depuis que les anciens supermarchés privés, jugés inefficaces et inéquitables, ont dû fermer leurs portes. Chaque famille a droit à une quantité illimitée de la plupart des produits de base, et doit payer une contribution minimale pour s’offrir certains des produits plus rares, en particulier des aliments importés.

Malheureusement, le système connaît depuis quelques années des ratés sévères. La production locale stagne et il faut importer de plus en plus d’aliments. Les budgets de l’État sont toutefois insuffisants pour suivre cette augmentation, surtout depuis que le dollar québécois a connu une dépréciation marqué. Dans les distrals, on manque de nombreux produits de base, et il faut parfois faire la queue et attendre plusieurs heures avant de pouvoir acheter de la viande ou des fruits.

De plus en plus de gens se plaignent de l’absence de flexibilité et de choix dans un système entièrement contrôlé par l’État. Depuis des années, on sent un mouvement en faveur de la mise en place d’un réseau de distribution parallèle privé de la nourriture, où ceux qui le souhaitent pourraient payer de leur poche des produits qu’ils ont de la difficulté à obtenir dans le réseau public. Selon certains groupes ultraradicaux, l’État n’aurait jamais dû nationaliser le système d’alimentation.

Dans l’autre camp, les partisans du système rappelle qu’il serait désastreux de retourner à l’ancien modèle basé sur le profit, à l’époque où les gens devaient payer pour se nourrir et où beaucoup s’endettaient ou, pire encore, ne mangeaient pas à leur faim. Pour la Coalition nationale Manger/Solidarité, la nourriture est un droit fondamental. Il suffirait selon elle que l’État augmente la surtaxe de solidarité sur les revenus des plus riches (que le parti de droite au pouvoir a réduite de 23 à 20% récemment pour tenter de mettre fin à l’exode des professionnels qui se disent surtaxés) et qu’il consacre ces fonds au système d’alimentation pour que la plupart des pénuries disparaissent.

Poussé par l’opinion publique à réformer le système, le gouvernement de droite a mis sur pied une commission présidée par l’ex-ministre Cédula Guanacosty et sur laquelle siège des membres de tous les partis, pour lui faire des recommandations. Ce rapport vient d’être rendu public. D’un côté, il recommande de hausser de nouveau la surtaxe pour injecter de l’argent neuf dans le système d’alimentation. De l’autre, il propose de permettre le développement de petits commerces privés où un certain nombre de produits alimentaires pourraient être distribués aux prix du marché, pour la petite minorité de gens qui ont les moyens de se le permettre. Il ne s’agit évidemment pas de laisser se développer de façon sauvage un réseau d’immenses supermarchés comme ceux qui existaient il y a plusieurs décennies, et il est clair que ces nouveaux commerces devraient se conformer aux normes du RDAQ, qui en superviserait les activités. Mais selon Mme Guanacosty et ses collègues (dont l’un a exprimé sa dissidence sur plusieurs points), cela permettrait au moins de réduire la pression sur les distrals.

Enfin, la commission recommande l’instauration d’une franchise, c’est-à-dire un montant de base que devraient payer les utilisateurs des distrals chaque fois qu’ils repartent avec une quantité minimale d’aliments. Cela permettrait d’ajouter des fonds additionnels au réseau, mais aussi de modérer la consommation d’aliments d’une partie de la population qui tend à manger plus qu’il n’est nécessaire.

Même si ces propositions ont été accueillies de façon très positive par le Regroupement des travailleurs autonomes (les 30% de travailleurs qui restent qui ne sont pas des employés de l’État), qui constitue un lobby féroce en faveur d’une plus grande diversité des modes de gestion au sein de l’économie solidaire nationale, le rapport a immédiatement été remisé par le gouvernement, parce qu’il les considère irréalistes. La ministre de l’Alimentation nationale s’est tout au plus dite ouverte à certains ajustements sur le plan de l’organisation interne du RDAQ qui permettrait d’accroître l’efficacité du réseau et d’éviter qu’autant de nourriture fraîche se perde avant d’atteindre les tablettes des distrals à cause des délais de transport et d’étiquetage.

Chose certaine, la Coalition nationale Manger/Solidarité a mobilisé tous ses membres et n’a pas l’intention de laisser le gouvernement détruire le système national d’alimentation solidaire. Lors d’une manifestation devant un hôtel de Montréal où la présidente de la commission expliquait son rapport à un auditoire du Regroupement des travailleurs autonomes, on pouvait entendre les militants scander des slogans hostiles à toute réforme qui remettrait en question le caractère public et universel du système. Selon eux, il serait particulièrement injuste d’introduire, comme le propose le rapport, une franchise aux utilisateurs des distrals. Cela signifierait qu’«on taxe la faim et ça n'a aucun bon sens», a résumé l’un d’entre eux.

Martin Masse
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Pétition des fabricants de chandelles
voir -> http://fr.wikipedia.org/

À MM. les Membres de la Chambre des Députés
« Messieurs, »
« Vous êtes dans la bonne voie. Vous repoussez les théories abstraites; l'abondance, le bon marché vous touchent peu. Vous vous préoccupez surtout du sort du producteur. Vous le voulez affranchir de la concurrence extérieure, en un mot, vous voulez réserver le marché national au travail national. »
« Nous venons vous offrir une admirable occasion d'appliquer votre... comment dirons-nous? votre théorie? non, rien n'est plus trompeur que la théorie; votre doctrine? votre système? votre principe? mais vous n'aimez pas les doctrines, vous avez horreur des systèmes, et, quant aux principes, vous déclarez qu'il n'y en a pas en économie sociale; nous dirons donc votre pratique, votre pratique sans théorie et sans principe. »
« Nous subissons l'intolérable concurrence d'un rival étranger placé, à ce qu'il paraît, dans des conditions tellement supérieures aux nôtres, pour la production de la lumière, qu'il en inonde notre marché national à un prix fabuleusement réduit; car, aussitôt qu'il se montre, notre vente cesse, tous les consommateurs s'adressent à lui, et une branche d'industrie française, dont les ramifications sont innombrables, est tout à coup frappée de la stagnation la plus complète. Ce rival, qui n'est autre que le soleil, nous fait une guerre si acharnée, que nous soupçonnons qu'il nous est suscité par la perfide Albion (bonne diplomatie par le temps qui court!), d'autant qu'il a pour cette île orgueilleuse des ménagements dont il se dispense envers nous. »
« Nous demandons qu'il vous plaise de faire une loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, abat-jour, contre-vents, volets, rideaux, vasistas, œils-de-bœuf, stores, en un mot, de toutes ouvertures, trous, fentes et fissures par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons, au préjudice des belles industries dont nous nous flattons d'avoir doté le pays, qui ne saurait sans ingratitude nous abandonner aujourd'hui à une lutte si inégale. »
« Veuillez, Messieurs les députés, ne pas prendre notre demande pour une satire, et ne la repoussez pas du moins sans écouter les raisons que nous avons à faire valoir à l'appui. »
« Et d'abord, si vous fermez, autant que possible, tout accès à la lumière naturelle, si vous créez ainsi le besoin de lumière artificielle, quelle est en France l'industrie qui, de proche en proche, ne sera pas encouragée? »
« S'il se consomme plus de suif, il faudra plus de bœufs et de moutons, et, par suite, on verra se multiplier les prairies artificielles, la viande, la laine, le cuir, et surtout les engrais, cette base de toute richesse agricole. »
« S'il se consomme plus d'huile, on verra s'étendre la culture du pavot, de l'olivier, du colza. Ces plantes riches et épuisantes viendront à propos mettre à profit cette fertilité que l'élevage des bestiaux aura communiquée à notre territoire. »
« Nos landes se couvriront d'arbres résineux. De nombreux essaims d'abeilles recueilleront sur nos montagnes des trésors parfumés qui s'évaporent aujourd'hui sans utilité, comme les fleurs d'où ils émanent. Il n'est donc pas une branche d'agriculture qui ne prenne un grand développement. »
« Il en est de même de la navigation: des milliers de vaisseaux iront à la pêche de la baleine, et dans peu de temps nous aurons une marine capable de soutenir l'honneur de la France et de répondre à la patriotique susceptibilité des pétitionnaires soussignés, marchands de chandelles, etc. »
« Mais que dirons-nous de l'article Paris? Voyez d'ici les dorures, les bronzes, les cristaux en chandeliers, en lampes, en lustres, en candélabres, briller dans de spacieux magasins, auprès desquels ceux d'aujourd'hui ne sont que des boutiques. »
« Il n'est pas jusqu'au pauvre résinier, au sommet de sa dune, ou au triste mineur, au fond de sa noire galerie, qui ne voie augmenter son salaire et son bien-être. »
« Veuillez y réfléchir, Messieurs; et vous resterez convaincus qu'il n'est peut-être pas un Français, depuis l'opulent actionnaire d'Anzin jusqu'au plus humble débitant d'allumettes, dont le succès de notre demande n'améliore la condition. »
« Nous prévoyons vos objections, Messieurs; mais vous ne nous en opposerez pas une seule que vous n'alliez la ramasser dans les livres usés des partisans de la liberté commerciale. Nous osons vous mettre au défi de prononcer un mot contre nous qui ne se retourne à l'instant contre vous-mêmes et contre le principe qui dirige toute votre politique. »
« Nous direz-vous que, si nous gagnons à cette protection, la France n'y gagnera point, parce que le consommateur en fera les frais? »
« Nous vous répondrons: »
« Vous n'avez plus le droit d'invoquer les intérêts du consommateur. Quand il s'est trouvé aux prises avec le producteur, en toutes circonstances vous l'avez sacrifié. - Vous l'avez fait pour encourager le travail, pour accroître le domaine du travail. Par le même motif, vous devez le faire encore. »
« Vous avez été vous-mêmes au-devant de l'objection. Lorsqu'on vous disait: le consommateur est intéressé à la libre introduction du fer, de la houille, du sésame, du froment, des tissus. - Oui, disiez-vous, mais le producteur est intéressé à leur exclusion. - Eh bien! si les consommateurs sont intéressés à l'admission de la lumière naturelle, les producteurs le sont à son interdiction. »
« Mais, disiez-vous encore, le producteur et le consommateur ne font qu'un. Si le fabricant gagne par la protection, il fera gagner l'agriculteur. Si l'agriculture prospère, elle ouvrira des débouchés aux fabriques. - Eh bien! si vous nous conférez le monopole de l'éclairage pendant le jour, d'abord nous achèterons beaucoup de suifs, de charbons, d'huiles, de résines, de cire, d'alcool, d'argent, de fer, de bronzes, de cristaux, pour alimenter notre industrie, et, de plus, nous et nos nombreux fournisseurs, devenus riches, nous consommerons beaucoup et répandrons l'aisance dans toutes les branches du travail national. »
« Direz-vous que la lumière du soleil est un don gratuit, et que repousser des dons gratuits, ce serait repousser la richesse même sous prétexte d'encourager les moyens de l'acquérir? »
« Mais prenez garde que vous portez la mort dans le cœur de votre politique; prenez garde que jusqu'ici vous avez toujours repoussé le produit étranger parce qu'il se rapproche du don gratuit, et d'autant plus qu'il se rapproche du don gratuit. Pour obtempérer aux exigences des autres monopoleurs, vous n'aviez qu'un demi-motif; pour accueillir notre demande, vous avez un motif complet, et nous repousser précisément en vous fondant sur ce que nous sommes plus fondés que les autres, ce serait poser l'équation: + x + = -; en d'autres termes, ce serait entasser absurdité sur absurdité. »
« Le travail et la nature concourent en proportions diverses, selon les pays et les climats, à la création d'un produit. La part qu'y met la nature est toujours gratuite; c'est la part du travail qui en fait la valeur et se paie. »
« Si une orange de Lisbonne se vend à moitié prix d'une orange de Paris, c'est qu'une chaleur naturelle et par conséquent gratuite fait pour l'une ce que l'autre doit à une chaleur artificielle et partant coûteuse. »
« Donc, quand une orange nous arrive de Portugal, on peut dire qu'elle nous est donnée moitié gratuitement, moitié à titre onéreux, ou, en d'autres termes, à moitié prix relativement à celle de Paris. »
« Or, c'est précisément de cette demi-gratuité (pardon du mot) que vous arguez pour l'exclure. Vous dites: Comment le travail national pourrait-il soutenir la concurrence du travail étranger quand celui-là a tout à faire, et que celui-ci n'a à accomplir que la moitié de la besogne, le soleil se chargeant du reste? - Mais si la demi-gratuité vous détermine à repousser la concurrence, comment la gratuité entière vous porterait-elle à admettre la concurrence? Ou vous n'êtes pas logiciens, ou vous devez, repoussant la demi-gratuité comme nuisible à notre travail national, repousser a fortiori et avec deux fois plus de zèle la gratuité entière. »
« Encore une fois, quand un produit, houille, fer, froment ou tissu, nous vient du dehors et que nous pouvons l'acquérir avec moins de travail que si nous le faisions nous-mêmes, la différence est un don gratuit qui nous est conféré. Ce don est plus ou moins considérable, selon que la différence est plus ou moins grande. Il est du quart, de moitié, des trois quarts de la valeur du produit, si l'étranger ne nous demande que les trois quarts, la moitié, le quart du paiement. Il est aussi complet qu'il puisse l'être, quand le donateur, comme fait le soleil pour la lumière, ne nous demande rien. La question, et nous la posons formellement, est de savoir si vous voulez pour la France le bénéfice de la consommation gratuite ou les prétendus avantages de la production onéreuse. Choisissez, mais soyez logiques; car, tant que vous repousserez, comme vous le faites, la houille, le fer, le froment, les tissus étrangers, en proportion de ce que leur prix se rapproche de zéro, quelle inconséquence ne serait-ce pas d'admettre la lumière du soleil, dont le prix est à zéro, pendant toute la journée? »

source -> http://bastiat.org/
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Publication by François Lambert.








Antagoniste_net
Blogue Antagoniste: Les hommes d’affaires et l’économie http://t.co/4lO1c6i4ZX
#RLQ #polqc
2015-05-27 15:49


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frank_sbr
je sais qu'on ne RT pas un compliment! mais celui-là...je me le permets! merci ;)
https://t.co/qaeCQkFdo7
2015-05-29 08:03

HudonIsabelle
@frank_sbr bien mérité!
2015-05-29 08:10