Le féminisme de genre,
parasite de la cause de la liberté des femmes 1/3

Par Jabial
feminismeIl était une fois un monde terrifiant où les femmes étaient traitées au mieux comme des enfants à protéger et au pire comme du patrimoine, c’est-à-dire comme des choses dont l’existence n’avait d’autre but que d’agrémenter celle de leur propriétaire. Dans cette société ignoble où une tolérance polie, qui trop souvent dissimulait mal le regret d’être associé à une telle anomalie, était la meilleure chose qu’une femme exceptionnelle pouvait attendre des hommes qui auraient dû se battre pour elle, Dieu seul sait combien de talents ont été perdus.
L’être humain étant doté d’un sens naturel de la justice, quoi qu’il pût être facilement perverti par la pression sociale (le terrible paradoxe étant que les pires horreurs ont souvent été commises au nom d’un bien supérieur), il devait y avoir une réaction tôt ou tard. Elle n’est pas venue de ceux qui auraient pu facilement imposer le changement, les philosophes des Lumières ; au contraire, ils n’étaient pas exempts des préjugés de leur époque. Elle est venue de femmes héroïques qui, trouvant insupportable le carcan dans lequel elles se trouvaient enfermées, se sont résolues à le faire exploser quitte à passer pour folles.
Et c’est bien ainsi que la société de leur époque les a traitées : comme des folles. Je ne pense pas que les libéraux éprouvent de la difficulté à ressentir une empathie très forte pour ces pionnières et une rage terrible contre la société qui les a rejetées de leur vivant hormis quelques exceptions notables. En effet, nous avons la faiblesse et peut-être l’arrogance de croire que notre démarche participe de la même passion brûlante pour la liberté qui pousse à refuser les règles, à jeter les préjugés au feu, et à défendre ce que l’on considère comme juste quitte à se faire mépriser ou haïr par ceux qui, tout en se prétendant parfois des rebelles et parfois simplement raisonnables, ont la position facile que confère la force du nombre. Ces femmes extraordinaires trop souvent mortes incomprises et courageuses parfois jusqu’au martyre ne seront réhabilitées que bien plus tard. Elles sont aujourd’hui tristement qualifiées de proto-féministes par des gens qui, hommes et femmes, se réclament de leur héritage tout en refusant de leur en concéder la maternité pleine et entière.
Le féminisme de première génération : les dernières combattantes de la liberté
Sans rupture franche mais plutôt dans une gradation historique, les dernières grandes héroïnes de la lutte pour la liberté des femmes, qu’on appelle aujourd’hui les féministes de première génération, ont succédé à ces pionnières. Face à un monde qui commençait à entrouvrir les yeux tout en refusant d’en tirer les conséquences, elles se sont battues pour obtenir que leur soient reconnus les droits fondamentaux de tout être humain, qui sont, pour reprendre la première Déclaration des Droits de l’Homme, la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression. Cela n’avait rien d’évident quand on sait qu’en France une femme ne pouvait disposer sans l’accord de son mari des revenus de son propre travail jusqu’en 1907 ; et ce n’est qu’en 1965 que les femmes obtiendront le droit d’engager les biens du ménage. Malgré la persistance de dispositions discriminatoires vestigiales telles que la loi sur le travail de nuit, on peut dire que le combat des suffragettes, qu’on cite trop rarement comme cas exemplaire de désobéissance civile vertueuse, a clôturé pour l’essentiel cette période historique de la lutte pour l’égalité devant la loi.
Le féminisme de deuxième génération : l’émergence d’un avatar du socialisme
Quand le féminisme de deuxième génération commence-t-il exactement ? Je ne saurais le dire, mais ce que je sais, c’est qu’il ne prend plus ses racines dans le libéralisme des Lumières mais dans l’idéologie socialiste qui a été l’idée-phare du dix-neuvième siècle. La liberté n’est plus recherchée ; bien au contraire, elle est l’instrument par lequel la classe dominante peut exercer son pouvoir sur la classe dominée. Fruit d’une confusion conceptuelle sur les notions de liberté et de pouvoir, cette vision popularisée par le marxisme qui oppose possédants et prolétaires est facilement transposable à toute autre question sociale. C’est ainsi, au nom du combat contre une idéologie imaginaire pompeusement intitulée « patriarcat » comme d’autres ont parlé de « capitalisme » avant que ce terme ne soit réinvesti, que naît le féminisme de genre, ou « gender feminism », pour qui les femmes sont une classe opprimée et qui substitue l’égalité des conditions à l’égalité des droits.
Bien entendu, s’il n’y a personne pour le déconstruire et en expliciter les dangereux ressorts, ce type de vision populiste ne peut qu’avoir du succès chez la masse des médiocres, toujours prêts à penser que leur manque de succès ne saurait être lié qu’à une conspiration contre eux-mêmes et les leurs, et non au peu qu’ils ont de talent et de désir d’apporter au monde. Il génère aussi, de façon quasi-automatique, des extrémistes dangereux. Le socialisme, sous sa forme nationaliste ou non, a mis le monde à feu et à sang. Fort heureusement, les rapports naturels entre les êtres humains étant ce qu’ils sont, la haine aveugle d’une altérité dont la nature impose la proximité ne convainc que des marginaux, et les dégâts du féminisme de genre seront plus limités. C’est ainsi qu’en 1967, Valérie Solanas, qui n’a jamais rencontré des hommes que le pire, écrit un manifestequi pourrait être qualifié de Mein Kampf de l’extrême-féminisme, et qui invite à exterminer tous les hommes sauf quelques spécimens conservés pour la reproduction. Ce n’est pas sans rappeler dans une ironie sinistre les écrits terrifiants du tueur fou Elliot Rodger, qui voulait faire subir aux femmes le même sort. En 1968, frustrée de ne pas être publiée, Valérie Solonas tente d’assassiner Andy Warhol qui en restera handicapé jusqu’à la fin de ses jours.
Le féminisme de troisième génération : les habits neufs de la haine de genre
Le féminisme de troisième génération est au féminisme de seconde génération ce que l’altermondialisme est au socialisme post-soviétique. Devant le désinvestissement par la jeunesse d’une idéologie ringardisée et la concurrence d’une réaction parfois plus malfaisante encore mais bien plus attrayante, il s’agit alors d’utiliser les mêmes méthodes tout en y intégrant des causes annexes de nature à la moderniser. Là où les altermondialistes ont intégré le mouvement écologiste, historiquement réactionnaire, ainsi que les divers mouvements de lutte contre le racisme qu’ils ont réussi à corrompre idéologiquement, les féministes de troisième génération ont, eux, intégré à leur cause les mouvements de revendication des minorités sexuelles. C’est ce que l’on appelle le mouvement LGBTQIA, pour lesbiennes, gay, bi, trans, queer, intersexuels et asexuels. Ce mouvement, du reste, n’a de réalité que pour s’opposer à la vision traditionnelle et majoritaire de l’identité sexuelle, tant la plupart des membres politisés de ses différentes composantes ont des préjugés déplorables les uns envers les autres et ne se fréquentent que fort peu hors des événements militants qui les rassemblent. La différence… Quelle différence ?
Les altermondialistes, tout en ne prônant plus la dictature du prolétariat, promettent un « autre monde » où chacun pourrait vivre en produisant des choses dont personne ne veut à un prix guidé non par ce que l’acheteur est prêt à payer mais par ce qu’ils considèrent comme un revenu souhaitable pour chacun. Le seul problème est que cela ne peut en réalité s’envisager sérieusement sans une économie dirigée dont on sait pertinemment qu’elle est vouée à l’échec. De la même manière, les revendications centrales des féministes de troisième génération n’ont que superficiellement évolué par rapport aux précédentes. Leur schéma idéologique repose toujours sur une vision pervertie de la nature humaine, une haine catégorielle mal dissimulée et le sentiment que tout leur est dû. Leurs méthodes, quant à elles, sont bâties sur le mensonge, la calomnie et l’intimidation.
(À suivre)