Un PPP pour un centre d’espionnage crée des remous

19 janvier 2011 | 16h20
Jean-François Cloutier
Argent


Le projet de sous-traiter au privé la construction et l’entretien d’un immeuble abritant le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada suscite l’ire d’employés syndiqués, qui craignent de voir des renseignements top secrets ne tomber entre les mains d’individus peu scrupuleux.

C’est ce qu’a expliqué à Argent le porte-parole québécois de l’Alliance de la fonction publique du Canada, Jérôme Turcq, dont le syndicat mène une campagne afin de bloquer ce projet de PPP.

Selon ce qui en a filtré, c’est un consortium emmené par l’australienne Plenary Properties qui décrocherait le contrat de construction et d’entretien des nouveaux bureaux du CSTC à Ottawa. Le syndicat évalue le coût de l’immeuble à un milliard et estime qu’Ottawa verserait cinq milliards à Plenary sur une période de 30 ans pour sa construction et son entretien.

Selon M. Turcq, on aurait tort de voir dans l’offensive du syndicat une simple réaction en vue de protéger des emplois syndiqués. «J’ai moi-même travaillé sur une base militaire et je peux vous assurer que les contractants privés n’ont pas les mêmes obligations de sécurité que les employés de la base comme telle», mentionne-t-il.

Un centre d’espionnage

Le Centre de la sécurité des télécommunications est un peu l’équivalent canadien de la National Security Agency (NSA) américaine.

Cet organisme est responsable de fournir un service de renseignement électromagnétique à l'appui des politiques étrangères et de la défense, ainsi qu'un service de protection des renseignements et des communications électroniques.

À travers le Centre, le Canada maintient notamment des relations étroites avec ses partenaires dans le système d’espionnage anglo-saxon Echelon.

Le réseau Echelon est un système mondial d'interception des communications privées et publiques mis sur pied par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

«Il y a des informations top secrètes et même plus que top secrètes qui transiteront dans cet immeuble. Une fuite pourrait mettre en danger non seulement le Canada, mais nos partenaires américains, australiens, etc. », affirme M. Turcq.

Le processus d’octroi du contrat à un partenaire privé devrait se terminer «d’ici quelques semaines», selon le porte-parole du CSTC, Adrian Simpson.

Pour le porte-parole, les craintes des syndiqués sont toutefois infondées. «Les employés, privés et publics, sont astreints aux mêmes règles très strictes quand ils travaillent avec nous, notamment en devant s’engager à conserver secrets des renseignements à perpétuité», soutient-il.

M. Simpson souligne qu’une centaine d’entreprises privées travaillent de près ou de loin avec le CSTC, sans que les employés syndiqués n’y trouvent à redire. «Je préfère de pas faire de commentaires sur les motifs derrière leur stratégie médiatique», dit-il.

Selon M. Simpson, la construction d’un nouvel immeuble où 2000 personnes pourront travailler, est devenue indispensable en raison de l’explosion des effectifs du CSTC depuis le 11 septembre 2001. «Nous n’avons clairement plus de place où nous nous trouvons», indique-t-il.

Sans vouloir dire combien coûtera la construction et l’entretien du nouvel immeuble, M. Simpson souligne que les chiffres fournis par le syndicat sont «nettement exagérés».

source -> http://argent.canoe.ca/