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La révolution grâce à internet n'aura (sans doute) pas lieu
Agence France-Presse (Berlin) 15 avril 2010 | 07 h 17

Considéré comme un formidable outil de déstabilisation des dictatures, l'internet est aussi un excellent moyen de contrôle pour ces mêmes régimes autoritaires, ont estimé des blogueurs internationaux réunis à Berlin depuis mercredi.

Ukraine, Moldavie, Birmanie, Iran... les soulèvements populaires de ces dernières années ont tous fait la part belle à l'internet, permettant des mobilisations rapides de manifestants ou la circulation de l'information sur les répressions.

Pourtant, si l'«internet est sans doute un phénomène comme on n'en a jamais connu, il n'abolit pas tout ce que l'on a appris des sciences politiques, de la sociologie et de l'Histoire», a tempéré le journaliste et blogueur Evgueny Morozov lors d'une présentation dans le cadre de re:publica 2010, rassemblement de plus de 2000 blogueurs d'une trentaine de pays qui se déroule jusqu'à vendredi dans la capitale allemande.

«Toutes les questions que l'on se pose dans nos démocraties sur internet, on doit aussi se les poser dans un contexte autoritaire», a-t-il poursuivi, expliquant que tout ce qui est mis sur internet sert aux pouvoirs en place pour asseoir leur emprise.

«Vos amis sur Facebook, ceux qui vous suivent ou que vous suivez sur Twitter, les listes de diffusions auxquelles vous appartenez, les photos de manifestants que vous mettez en ligne...»: tous ces élements sont des sources d'informations.

«Internet est une arme à double tranchant. Certains gouvernements ont des armées de fonctionnaires chargés de surveiller internet», confirme Almira Al Hussaini, blogueuse bahreïnie.

«Chaque blocage de site, chaque arrestation sert à créer une culture de la peur», ajoute-t-elle.

Le but est de dissuader les dissidents: «ce qui est plus important encore que la censure, c'est l'ampleur que prend l'autocensure», confirme Michael Anti, journaliste et blogueur chinois.

L'internet offre aussi ses canaux de communication aux régimes autoritaires ou à des groupes guère plus épris de liberté.

«Il n'y a pas que des démocrates qui s'opposent aux dictatures, il y a aussi d'autres forces politiques, avec leurs propres objectifs», rappelle M. Morozov.

Les forums de discussions ou les blogs deviennent des moyens infiniment plus discrets de faire rien de moins que de la propagande: «un blogueur anonyme sera toujours bien plus crédible que la Pravda» locale, explique le journaliste-blogueur d'origine bélarusse.

Des organisations comme les Frères musulmans sont ainsi souvent très actives et très organisées pour intervenir sur la toile, précise Mme Al Hussaini.

Mais Evgueny Morozov souligne également trois dangers liés à l'essence même du web. Le premier est l'illusion que n'importe qui peut lancer une révolution, alors que «tout le monde ne peut pas devenir Lénine».

Le deuxième, c'est que l'instantanéité des échanges sur internet rend les mouvements qui s'appuient sur lui souvent trop superficiels: «on se concentre trop sur les résultats à court terme, et pas assez sur les changements à long terme», ce qui explique les résultats mitigés de ces insurrections.

Le dernier danger, selon lui, c'est que l'activisme sur la toile prenne le pas sur les actions de terrain.

Ou plus crûment: «le fait de se faire arrêter et tabasser reste la norme», pour qui veut renverser une dictature, «c'est une réalité auxquels (les cyberactivistes) doivent faire face», conclut-il.

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