www.rdntv.ca
mongrain.blogue.canoe.ca
Le Groupe TVA demande le retrait d'une publicité conçue pour le Directeur général des élections.
Un des messages, un faux bulletin de nouvelles, parodie le style d'animation que préconise Jean-Luc Mongrain,
commentateur à LCN.
voir -> l'article de Isabelle Audet
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Monsieur Serge Fortin
Vice-président Information TVA
Monsieur,
Nous avons bien reçu votre lettre du 2 octobre au sujet des capsules de communication humoristiques que le Directeur général des élections (DGE) entend faire diffuser sur le Web au cours des prochains jours dans le cadre de sa mission de sensibilisation des électeurs québécois de tous âges, dont les jeunes, à l’ampleur des enjeux et dossiers collectifs gérés par les municipalités du Québec et à l’importance d’y participer par le geste d’aller voter le premier novembre prochain.
Premièrement, nous croyons qu’il est essentiel de situer le tout dans son contexte. L’intention du DGE avec ces réalisations est d’atteindre un public important et particulièrement réfractaire depuis plusieurs années, à participer par son vote aux divers scrutins démocratiques qui se tiennent dans notre collectivité, c'est-à-dire les jeunes. Or, toutes les statistiques le démontrent et toutes les études de comportement de consommation de ce public le confirment, les jeunes se réfèrent de plus en plus au Web pour s’informer, se divertir, échanger des idées et des opinions et s’investir dans la vie civique et citoyenne.
De plus, des études de nos spécialistes en communication qui ont fait ce travail pour nous confirment également qu’il faut utiliser des approches, méthodes et stratégies particulières pour les atteindre, les toucher, les intéresser. Parmi ces dernières, les notions d’humour, de caricature, de surprise et d’exagération reviennent souvent. Notre objectif avec cette composante d’une campagne qui comprend d’autres volets qui seront diffusés par les médias traditionnels (publicité à la télévision aux heures de grande écoute) est donc d’étonner, de surprendre, de déstabiliser momentanément, notre public de jeunes internautes afin de les toucher et de les amener à réfléchir à la question de leur participation concrète au scrutin et à échanger entre eux sur le Web à ce sujet comme le permettent les médias sociaux du Web 2.0.
Lors de la préparation de ces capsules de communications humoristiques, nos spécialistes ont déployé de nombreux efforts (choix des comédiens, âge, couleur de cheveux, barbiches, etc. choix du décor neutre et difficilement identifiable, etc.) afin de justement éviter une ressemblance physique trop évidente avec quelque animateur ou quelque émission en particulier que ce soit de ce type d’émissions sur le territoire du Québec. Il était important que cet exercice soit rapidement compris comme une parodie, volontairement très exagérée par rapport à la réalité d’ailleurs, d’une catégorie assez répandue d’émissions d’affaires publiques, pratiquée par de nombreux animateurs et chaînes différentes, tant au Québec, qu’au Canada, qu’aux États-Unis.
Il n’est peut-être pas surprenant que malgré ces efforts, certaines attitudes communes à plusieurs de ces animateurs se ressemblent et se retrouvent au sein de ces capsules. Cela ne constitue en rien, une parodie ou imitation d’un animateur en particulier ou un manque de respect à l’endroit d’un individu précis. Cela n’était évidemment pas notre intention. Nous ne partageons donc aucunement le point de vue que vous évoquez dans votre lettre. Toutefois, malgré les efforts déployés, si votre animateur ou votre service de l’information se sont sentis visés ou blessés, nous le regrettons.
De plus, si vous prenez connaissance des commentaires qui circulent déjà sur le Web au sujet de cette première capsule, vous constaterez que la très grande majorité a non seulement compris sa dimension exagérée, mais semble avoir apprécié la pertinence et l’originalité de l’approche pour le public visé.
En ce sens, vous nous voyez étonnés, pour ne pas dire extrêmement surpris, à la fois par la réaction de votre animateur et par votre demande conséquente de ne pas mettre en onde, dans l’espace médiatique le plus public et le plus libre de tous que constitue l’Internet, ces réalisations dont, mise à part la première, vous n’avez actuellement aucunement pris connaissance.
Nous éprouvons beaucoup de respect pour le rôle de votre animateur et de votre entreprise dans la vie démocratique au Québec. C’est pourquoi nous sommes surpris de recevoir une telle lettre de la part d’une entreprise qui intègre un grand volet d’information dans son mandat et, de ce fait, qui fait la promotion de la liberté de presse, de la liberté d’expression et de parole et du droit du public à l’information. Cette demande s’avère extrêmement inhabituelle et constitue pour nous une première.
Pour toutes ces raisons, vous nous voyez dans l’obligation de refuser votre demande de surseoir à la mise en ondes de ces capsules communicationnelles strictement destinées au Web.
Nous souhaitons vivement que vous compreniez les motifs qui nous animent, soit de tenter une nouvelle approche pour sensibiliser les jeunes internautes à l’importance de leur participation à la vie démocratique de leur société, en allant voter lors des prochaines élections municipales du premier novembre prochain. Ne pas diffuser ces pièces de communications longuement réfléchies serait contraire à la mission qui nous été confiée par l’Assemblée nationale du Québec, soit de promouvoir la vie démocratique et stimuler la participation du plus grand nombre aux processus électoraux.
Enfin, nous vous invitons plutôt à nous appuyer dans cette initiative destinée à promouvoir l’exercice du droit de vote dans notre société.
Nous vous remercions à l’avance de votre aimable compréhension et vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Le directeur général des élections
Et président de la Commission de la représentation électorale
Marcel Blanchet
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Pub du DGE: Nous ne changeons pas d'avis
Le Directeur général des élections répond à la lettre de TVA concernant les publicités humoristiques sur le web favorisant une plus grande participation citoyenne lors des prochaines élections municipales au Québec.
Je suis tout à fait d’accord avec l’objectif visé par le DGE d’inciter une participation plus importante des électrices et électeurs.
Je partage également la volonté du DGE de rejoindre les clientèles les plus jeunes. Il est bien connu que cette nouvelle plate forme qu’est le web est un lieu privilégié pour la clientèle cible.
Cependant, j’aimerais rappeler ce que j’avais déjà mentionné vendredi dernier: d’aucune façon je me sens blessé, troublé ou froissé que ce personnage puisse faire référence à mon travail et à ma gestuelle caractéristique. Je n’ai aucun problème avec la caricature, l’humour et la dérision.
Ce contre quoi j’en avais et contre quoi j’en ai toujours, c’est que je ne veux pas être associé de près ou de loin, directement ou indirectement à un organisme public pour servir quelque objectif que ce soit.
Je tiens par la même occasion à souligner que nous avons tous le droit à nos opinions. J’ai pris connaissance de vos commentaires pour lesquels je prends bonne note, mais que voulez-vous, la vie démocratique passe également par la divergence d’opinions.
Le DGE a répondu hier à la demande du Groupe TVA et prend la décision de maintenir le volet web de sa campagne publicitaire. Libre à lui d’agir ainsi.
Pour notre part, nous continuons de résister à l’idée d’être utilisés par un organisme public.
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«On prétend généralement que la direction bureaucratique est incompatible avec un gouvernement et des institutions démocratiques. C'est une erreur. La démocratie implique la suprématie de la loi. S'il en était autrement, les fonctionnaires seraient des despotes irresponsables aux décisions arbitraires, et les juges, d'inconstants et capricieux cadis. Les deux fondements du gouvernement démocratique sont la primauté de la loi et le budget»
Ludwig von Mises
les arguments de M. Mongrain ont du sens, un juge pourrait trancher
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Patrick Lagacé
La Presse
Quand j'entends toutes ces histoires de viaducs payés trop cher, d'appels d'offres arrangés et de dents cassées qui sortent de l'industrie de la construction, c'est drôle, ça me fait surtout penser à mon X.
Oui, mon X, mon vote.
À chaque campagne électorale, on a droit à une campagne de sensibilisation qui nous explique à quel point il est important de voter. Tiens, le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) a accouché d'une super campagne pour les municipales du 1er novembre.
La première pub, destinée au web, sous forme de bulletin d'informations d'un vrai-faux Jean-Luc Mongrain, évoquait un Québec qui ne serait pas allé voter. Routes brisées, déchets pas ramassés, système cassé: le chaos.
C'est de la bullshit, évidemment.
Qu'on aille voter ou pas, il y aura toujours quelque part une Sylvie Saint-Jean, mairesse de Boisbriand, pour être la marionnette de quelque applicateur d'asphalte local. Il y aura toujours un Frank Zampino pour aller se faire bronzer en Speedo sur le yacht d'un autre applicateur d'asphalte, pan-provincial celui-là, j'ai nommé M. Tony Accurso.
Et autour de ces élus, il y aura toujours d'autres élus, de bonnes pâtes incorruptibles, bien sûr, pour dire qu'ils n'ont rien - RIEN - vu passer, qu'ils appellent les flics, que l'appel d'offres semblait nickel, que tout cela est consternant. Et je les crois.
Mais là où je veux en venir, par ce long détour impeccablement asphalté, c'est que le citoyen est peut-être réticent à aller voter justement parce qu'il savait bien avant les topos d'Enquête, bien avant les papiers de La Presse et du Devoir, que le système est pourri jusqu'à la moelle.
L'électeur sait bien qu'avec ou sans lui, l'usine de traitement d'eau ne coûtera pas 17 millions mais bien le double. Il sait bien qu'avec ou sans lui, un tas de fonctionnaires et d'élus municipaux vont quand même aller travailler, en quittant l'hôtel de ville, chez les grosses firmes qui gagnent ces gros contrats de l'hôtel de ville.
L'électeur sait bien qu'avec ou sans son X, rien, absolument rien ne change vraiment.
L'été dernier, Télé-Québec a repassé un chef-d'oeuvre de Denys Arcand, le film Réjeanne Padovani. C'est l'histoire d'une sauterie entre la mafia, les politiciens et quelques putes, lors d'une soirée qui célèbre un gros contrat d'asphalte. Arcand a lancé son film en 1973. L'électeur sait bien qu'il pourrait avoir pris l'affiche hier soir.
J'ai appelé le DGEQ, un peu pour emmerder Denis Dion, son porte-parole. Je lui ai demandé si ces fabuleuses et bucoliques campagnes qui nous incitent à aller voter ne sont pas pleines de nids-de-poule, sachant toute la merde qui commence à remonter à la surface du party banditisme-construction-municipalités, ces jours-ci...
«Savez-vous ce qu'il y a de beau, en démocratie? m'a répondu M. Dion, un porte-parole hors norme, qui n'a pas la langue de bois. C'est qu'aux quatre ans, en démocratie, je peux aller voter. Et je peux changer les choses. Il y a, dans ce vote, une sanction.»
Mais vraiment, que j'aille voter ou non, est-ce que les contrats de grands travaux vont cesser de coûter 43% de plus que la moyenne canadienne, au Québec?
Les gens de Boisbriand sont allés voter, en 2006. Ils ont choisi une femme aux principes élastiques qui a laissé l'entrepreneur le plus choyé par les appels d'offres de sa municipalité tenter de convaincre des élus de ne pas se présenter aux élections.
Vous me direz que c'est une nounoune. C'est vrai. Mais l'intégrité des élus, c'est désormais comme l'intégrité des appels d'offres, pour moi: je me permets de douter. Surtout dans les villes.
Ce qui nous amène, par le détour d'une route à l'asphalte troué, à Québec, à l'Assemblée nationale. Parlons de voter, d'abord, de mon X, encore.
Après six ans et demi de règne libéral, quelqu'un peut-il me dire LA différence fondamentale entre le PLQ et le PQ?
Je sais, je sais. Le PQ veut un pays. Le PLQ aime bien le Canada. Je parle du reste, je parle de philosophie de gouvernance, de mécanique, de politiques.
Je rêve peut-être, mais à quelques détails près, péquistes ou libéraux, c'est la même chose. Le système de santé chambranle encore; son budget augmente, sous les bleus ou sous les rouges. Le CHUM est un désastre non partisan. La dette publique continue à gonfler, et gonfler, et gonfler. Péquistes ou libéraux, nos enfants écrivent toujours aussi mal. Nos universités sont aussi mal financées. Et les routes, même si elles coûtent plus cher à construire qu'ailleurs, sont tout aussi pleines de trous, qu'importe le régime.
Comme on dit à Toronto: «Same difference.»
Et si on allait voter en plus grand nombre, vous me dites qu'on n'élirait plus de simples intendants, de sympathiques exécutants subordonnés à la machine?
Si vous croyez ça, vous vivez dans le même univers que les bonnes pâtes qui ont écrit, hier, le communiqué de presse de la mairesse de Boisbriand, expliquant son point de vue dans l'affaire Zambito...
Toujours du côté de Québec, parlons maintenant de cette enquête publique sur le secteur de la construction, que le ministre de la Sécurité publique ne juge toujours pas nécessaire.
Savez-vous, M. Dupuis, ce que les gens me disent sur le PQ et le PLQ, quand ils m'écrivent, au sujet de ces scandales municipaux?
Ils disent que les élus du PQ et du PLQ ne souhaitent pas une enquête publique parce qu'une enquête publique, n'ayant pas les mêmes contraintes qu'une enquête policière, risque de lever bien plus de lapins.
Et que certains de ces lapins, on va les trouver dans la cour des élus, bleus ou rouges.
Et que ça explique pourquoi le PQ fait le strict minimum pour harceler les libéraux sur ce dossier.
Et que ça explique la réticence des libéraux à mettre sur pied une enquête publique.
Je ne vous dis pas, M. Dupuis, que c'est le cas. Je vous dis que c'est ce que les gens pensent. J'ai pensé vous en faire part, au cas où la bulle capitonnée qu'est la politique vous isolait, ces jours-ci, du bruit de la rue.
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Yves Boisvert
La Presse
Il y a 10 ans, le Directeur général des élections du Québec a déclenché une enquête «d'une ampleur sans précédent» sur les moeurs électorales frauduleuses dans plusieurs municipalités de la région de Montréal.
C'était après une série de ma collègue Isabelle Hachey sur les élections «clés en main». Le système est connu: des firmes d'avocats (toujours les mêmes), d'ingénieurs et de publicité prennent en charge l'élection d'un candidat, financement, cocktails, publicité, etc. Le tout bénévolement, bien sûr. Puis, après l'élection, ils réclament des honoraires et des contrats. Ils s'emparent de la ville.
Cette vaste enquête dans 60 municipalités a mené à un rapport de 300 pages, un an plus tard. Conclusion? Tout ça est vrai... mais on n'est pas capable de le prouver.
Excusez-nous de vous avoir dérangé...
Nous voici 10 ans plus tard et les magouilles sont toujours florissantes, bien huilées, comme l'a montré Enquête à Radio-Canada jeudi. Et le DGE est toujours le dernier informé, apparemment.
Le ministère des Affaires municipales? On ne l'a pas vu redresser quoi que ce soit, se contentant généralement d'être un spectateur désolé des scandales municipaux.
Si vous ajoutez le désintérêt général pour la chose municipale, et dans bien des coins l'absence de médias avec un peu de moyens ou d'indépendance, il n'y a guère de contre-pouvoir à l'oeuvre.
Faut-il donc lancer une commission d'enquête? Et si oui, sur quoi?
Trois sujets mêlés
Il y a en effet tout un paquet de sujets là-dedans. Au moins trois histoires dans le reportage de jeudi. Un certain milieu de la construction. Ensuite, la politique municipale. Et pour finir, les liens incestueux des deux univers.
Ce qu'Enquête nous révèle, c'est qu'un groupe d'entrepreneurs sont organisés en cartel pour s'emparer de tous les contrats routiers au ministère des Transports. Ils s'arrangent: 1) pour se partager les contrats; 2) pour repousser les concurrents. Ce qui revient à un système de fixation des prix, évidemment à la hausse puisqu'il n'y a pas de vraie concurrence.
Jacques Duchesneau nous avait dit ce printemps que la même chose arrive à Montréal: c'est toujours les mêmes, comme par un incroyable hasard, qui sont choisis par la Ville. Ne vous demandez pas pourquoi le vérificateur général de la Ville a recommandé d'ouvrir les appels d'offres aux entreprises ontariennes!
Il y a ensuite le jeu politique. Entendre un entrepreneur majeur de Boisbriand aller carrément demander à des candidats de se désister de leur candidature est assez ahurissant. Le tout en présence de la mairesse silencieuse. Qui contrôle la ville, d'après vous? Cette enquête-là ne devrait pas être trop compliquée, même pour le très chétif DGE.
La troisième histoire qui se superpose, ou plutôt qui relie ces deux-là, c'est l'implication politique des entrepreneurs qui ont des contrats avec la Ville.
Pourquoi diable se mêler de choisir le maire de Boisbriand si, de toute manière, l'entreprise de Lino Zambito remporte ses contrats par appel d'offres?
S'acheter une ville
Enquête a le mérite de faire parler plusieurs personnes à visage découvert, dont des entrepreneurs qui se sont fait dire de ne pas faire de soumission pour obtenir le contrat de déneigement de l'autoroute Ville-Marie. Ils l'ont fait et ont été victimes de vandalisme. Six entreprises ont ensuite été condamnées à des amendes de 1 million. En plus des entreprises, le Bureau de la concurrence avait épinglé un consultant qui agissait à titre d'intermédiaire pour ce cartel. Tiens, tiens, cet entremetteur est aussi un organisateur électoral dans la banlieue nord.
Ce qui nous ramène aux élections clés en main. Des groupes ont mis la main sur plusieurs municipalités au Québec. En échange d'une organisation politique, ils s'emparent des contrats professionnels ou de construction de la municipalité. Et dans l'ombre, des organisateurs politiques municipaux qui n'ont aucune fonction officielle se retrouvent à distribuer des contrats comme s'ils géraient la ville. Et tout cela entraîne un gonflement des dépenses publiques.
Quelle commission?
Alors, je repose ma question: une commission d'enquête ou non? J'ai déjà écrit qu'il faudrait une commission Cliche pour notre temps, qui se pencherait sur l'industrie de la construction au Québec, ses pratiques douteuses, l'influence du crime organisé et les coûts de la construction au Québec, plus élevés.
Je n'ai pas changé d'idée. Le ministre dit qu'il faut attendre la fin des enquêtes criminelles, pour ne pas créer d'interférence. Quand on voit qu'une enquête sur ces cartels a été entreprise en 2003 pour ne jamais finir, l'argument pourrait ressembler à une diversion. Sauf qu'on n'a jamais vu par le passé le chef de la Sûreté du Québec déclarer, comme il l'a fait cet été, que six enquêtes sont en cours. Il semble y avoir un nouvel esprit. Il n'est pas impossible de mener une enquête policière en même temps qu'une commission d'enquête, comme l'a démontré la commission Gomery. Mais on se penchait alors sur un programme qui avait pris fin. Dans les cas qui nous occupent, on parle d'activités qui se déroulent encore. C'est plus délicat.
Tout ça pour dire qu'il est peut-être sage d'attendre quelques mois, pour voir si ces enquêtes portent leurs fruits.
Il y aura lieu, aussi, de circonscrire l'objet de l'enquête. Parce que l'industrie de la construction est une chose, l'intégrité des marchés publics en est une autre et la démocratie municipale en est une troisième. Bien entendu, tout cela est entremêlé.
Comme les commissions d'enquête de nos jours ont tendance à s'étendre et se répandre, il faudra lui donner un objet d'étude relativement précis, que l'année qui vient rendra peut-être plus évident.
Mais par quelque bout qu'on prenne ce problème, il faudra nettoyer l'air au moyen d'un exercice d'enquête publique. Parce que la démocratie municipale québécoise est gangrénée en bien des lieux et les contre-pouvoirs n'ont pas l'air de fonctionner.
Encore faudrait-il, remarquez bien, que l'électeur moyen s'en soucie. S'en soucie-t-il?
Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca
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Nathalie Collard
La Presse
Le reportage de l'émission Enquête présenté jeudi soir à l'antenne de Radio-Canada est accablant. Il expose les détails du mécanisme de collusion en place dans le milieu de la construction, collusion qui fait en sorte que les contribuables paieraient 30%, 35% et peut-être même 50% plus cher que le prix réel pour des travaux d'infrastructures routières.
Les reporters ont également mis à jour l'association entre un puissant entrepreneur et la mairesse de Boisbriand, Sylvie St-Jean, pour «arranger» les prochaines élections dans cette ville de la couronne nord. Il ne s'agit pas de vagues soupçons, des conversations ont été enregistrées. Cette dame devrait démissionner.
Au cours des derniers mois, les médias ont levé le voile sur les liens douteux qui unissent les entrepreneurs en construction, le crime organisé et des acteurs du monde municipal. En août dernier, le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, s'est contenté d'affirmer qu'il s'agissait de cas isolés et qu'«on ne ferait pas de grande enquête là-dessus». Il ne peut plus tenir ce discours aujourd'hui. Il est clair que nous sommes face à un système établi et étendu à la grande région montréalaise (et sans doute ailleurs dans la province). La situation est d'autant plus alarmante que les millions pleuvent depuis que les deux ordres de gouvernement ont choisi d'investir dans les infrastructures pour nous sortir de la crise. Plus que jamais, la vigilance quant à l'attribution des contrats et l'instauration de bonnes pratique s'impose.
Le mutisme du ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, s'explique difficilement. Pourquoi ce silence? Il se peut que les forces policières lui aient demandé de ne rien faire parce que des enquêtes allaient bientôt aboutir sur des accusations formelles. Mais cet argument tient de moins en moins la route. Le reportage d'Enquête a bien montré les limites de ces enquêtes. Un fonctionnaire du ministère des Transports a porté plainte à la Sûreté du Québec en 2003. L'enquête a abouti des années plus tard et s'est soldée par un coup de règle sur les doigts de l'entrepreneur en question. Est-ce vraiment l'objectif visé?
Au mieux, des enquêtes aboutiront à des poursuites contre une poignée d'entrepreneurs alors que c'est un système corrompu jusqu'à la moelle (les codes de la partie de golf en sont bien la preuve) qu'il faut attaquer. Il est plus que temps d'envoyer un signal puissant au milieu de la construction: la récréation est terminée. Une commission d'enquête publique a non seulement des pouvoirs d'enquêter, elle a aussi une importante valeur symbolique. Lorsqu'un gouvernement annonce à la population la tenue d'une enquête publique dans un milieu en particulier, on comprend qu'il y aura onde de choc, bouleversement des moeurs, grand ménage. Pour toutes ces raisons, et pour que la population québécoise sente que le gouvernement est au diapason de son indignation, il faut que le premier ministre Jean Charest annonce la tenue d'une telle enquête rapidement.
nathalie.collard@lapresse.ca
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Sidhartha Banerjee
La Presse Canadienne
Montréal
Les informations qui circulent au sujet du contrôle qu'exercerait la mafia sur les dépenses en infrastructures suscitent des appels en faveur de la tenue d'une enquête sur les liens existant entre les gouvernements, le monde des affaires et les milieux du crime organisé.
Antonio Nicaso, auteur de plusieurs livres sur la mafia, dit espérer que le gouvernement fédéral sera poussé à agir à la suite de la publication d'informations voulant que l'organisation criminelle italienne mette la main sur des fonds publics à Montréal. Selon lui, le problème existe également à l'échelle nationale.
Cette question fait surface alors que les gouvernements fédéral et provinciaux se lancent dans des programmes de dépenses en infrastructures de plusieurs milliards de dollars sans précédent dans l'histoire du pays.
Les partis d'opposition à Québec réclament une enquête au plan provincial. De leur côté, des politiciens municipaux affirment qu'une investigation pourrait être nécessaire si jamais la police confirmait que les allégations de corruption sont fondées.
En dépit de l'importance des sommes en jeu, M. Nicaso dit douter qu'un gouvernement au Canada, à un niveau ou un autre, soit intéressé à se pencher sur la question du crime organisé.
Aucun gouvernement canadien n'a jamais voulu regarder de près «cette zone grise où les criminels, politiciens et hommes d'affaires se retrouvent pour différentes raisons», a-t-il affirmé lors d'une entrevue accordée à La Presse Canadienne.
«Je ne crois pas qu'il y ait au Canada une volonté ou un engagement politique pour lutter contre le crime organisé», a déclaré M. Nicaso.
«Le problème existe depuis si longtemps, et ils (les politiciens) n'ont jamais agi ou abordé le problème de la bonne façon.»
Les réactions des différents partis politiques tendent à lui donner raison.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) fédéral a refusé de se prononcer sur la question. Deux porte-parole du Parti libéral du Canada (PLC) n'ont jamais répondu aux demandes d'entrevue leur ayant été adressées par courriel et téléphone. Les conservateurs au pouvoir ont également évité de se mouiller.
Un porte-parole du ministre fédéral de la Sécurité publique, Peter Van Loan, a offert la réponse suivante: «Nous ne nous mêlons pas des affaires des provinces».
Radio-Canada a rapporté les propos d'un fonctionnaire selon lequel la mafia contrôle 80 pour cent des contrats attribués dans le secteur de la construction routière à Montréal. Des membres de l'industrie de la construction ont aussi confirmé la situation à la société d'État et ont parlé des menaces de violence lancées à l'endroit de ceux ayant tenté de s'y opposer.
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ALEC CASTONGUAY , ANTOINE ROBITAILLE
Édition du mardi 20 octobre 2009
Mots clés : Mafia, Jean Charest, Commission, Gouvernement, Construction, Québec (province)
La Commission de la construction enquêtera au sujet de l'argent comptant échangé sur les chantiers
Le gouvernement du Québec ne prend pas ses responsabilités en refusant de mettre sur pied une commission d'enquête publique pour faire la lumière sur l'infiltration de la mafia dans le domaine de la construction, affirme Antonio Nicaso, un expert international du célèbre réseau criminel italien. Selon lui, la police ne peut rien faire pour mettre au jour la corruption systémique qui règne dans le milieu de la construction au Québec.
En entrevue avec Le Devoir, Antonio Nicaso estime que les révélations des médias dans les dernières semaines ne représentent que la «pointe de l'iceberg». «La construction est le principal outil de blanchiment d'argent de la mafia. Ça fait longtemps que la mafia ne fait plus dans la prostitution ou l'extorsion d'argent. Elle est dans l'économie réelle», dit-il.
Selon lui, le seul moyen de corriger un problème aussi généralisé est de comprendre comment le système fonctionne. Pour ça, il faut plus qu'une enquête policière. «La police va attraper un entrepreneur par-ci et un fonctionnaire par-là, mais le système va rester en place. Pour chaque personne que la police va accuser, il y aura 20 personnes pour prendre leur place. Pour faire le ménage, il faut une vraie enquête publique avec des pouvoirs exceptionnels», dit-il.
Antonio Nicaso a écrit vingt livres sur la mafia, dont l'un des plus récents Les Liens du sang, a été publié en 2001 aux Éditions de l'Homme (traduction). Il vit à Toronto, mais connaît très bien la situation au Québec, où il a mené plusieurs enquêtes. Il a régulièrement été menacé par la mafia et placé sous protection policière. Il donne des conférences en tant qu'expert à travers le monde.
«La mafia est présente dans l'industrie de la construction à travers le Canada, mais la situation est pire au Québec, où la mafia a des racines profondes», affirme M. Nicaso. Il estime d'ailleurs que le gouvernement du Québec «manque de courage» en refusant de mettre sur pied une vraie enquête. «La réaction des pouvoirs publics est trop timide», dit-il, ajoutant que si Québec ne va pas de l'avant, Ottawa devrait y mettre le nez. «Le fédéral a aussi le pouvoir de mettre sur pied une enquête publique, car ça touche tout le Canada», dit-il.
Plus de surveillance
Par ailleurs, la Commission de la construction du Québec (CCQ) reconnaît qu'un problème gangrène les chantiers de la province: l'argent comptant, qui facilite la tâche des groupes criminels. Le Devoir a appris que la CCQ mettra sur pied bientôt une nouvelle escouade pour enquêter sur ce fléau. La Commission avait souligné il y a quelques mois au Devoir que le phénomène s'était aggravé dans les cinq dernières années.
«Il faut raffiner nos méthodes puisque celles du crime organisé se sont raffinées», a expliqué le porte-parole de la CCQ, André Martin. La commission a demandé des moyens supplémentaires au gouvernement du Québec et les a obtenus. La création d'une escouade spéciale pour surveiller les chantiers devrait donc être annoncée sous peu. Aucun détail sur la composition de l'escouade n'a filtré.
Créée en 1987, la CCQ est responsable de l'application de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (Loi R-20) qui encadre cette industrie.
Mais à ceux qui reprochent à la CCQ de ne pas en faire assez dans les circonstances actuelles, M. Martin répond que ce n'est pas son mandat de surveiller la relation entre le monde de la construction et les élus.
Un mandat large?
De leur côté, les trois candidats à la mairie de Montréal et les partis d'opposition à l'Assemblée nationale réclament la tenue d'une enquête publique, mais le gouvernement Charest estime qu'il faut laisser la police faire son travail. Le Parti québécois a précisé hier que le mandat qu'il voudrait voir confier à une éventuelle commission d'enquête devrait être «assez large».
Le député péquiste et avocat Bertrand St-Arnaud, critique en matière de Sécurité publique, résume ainsi le mandat souhaité: «Une commission d'enquête sur les liens entre l'industrie de la construction et les municipalités». Il souhaiterait que la commission se penche notamment sur les méthodes en matière d'appels d'offres. M. St-Arnaud se demande de quoi le gouvernement a peur en refusant une telle enquête.
Cet été, le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, avait promis de doter les municipalités du Québec d'un code d'éthique dans les plus brefs délais. Il avait fait cette promesse à la suite du dépôt, le 14 juillet, du rapport de l'ancien sous-ministre Florent Gagné sur l'éthique en milieu municipal.
Or, peu de travaux ont été effectués pour donner suite au rapport et permettre l'adoption d'une loi en 2010, comme M. Lessard s'y était engagé. Selon ce qu'a confirmé au Devoir le bureau de M. Lessard, un comité de mise en oeuvre a tenu une seule et première réunion le 16 septembre. «Une deuxième aura lieu à la fin novembre», a précisé Sylvain Bourassa, attaché de presse de M. Lessard.
La méthode
À l'émission Enquête de Radio-Canada, un ingénieur à la retraite du ministère des Transports du Québec, François Beaudry, a soutenu que la mafia contrôle 80 % des appels d'offres en construction dans la région de Montréal. M. Beaudry a été alerté de ce phénomène par des entrepreneurs alors qu'il était conseiller pour le gouvernement du Québec il y a quelques années.
Antonio Nicaso affirme ne pas pouvoir corroborer ce chiffre, mais affirme ne pas être surpris par l'ampleur du phénomène. La mafia a infiltré le domaine de la construction parce qu'il y circule beaucoup d'argent comptant, dit Antonio Nicaso. «La mafia doit justifier sa santé financière, obtenue notamment avec la vente de drogue. Pour légitimer cet argent, elle a pris racine dans la construction.»
Souvent, la mafia achète d'abord des terrains dans des secteurs prometteurs, explique M. Nicaso. Puis, elle attend. Lorsqu'un projet de développement se met en place, elle devient partenaire, puisqu'elle possède le terrain. Elle met alors ses entreprises à contribution.
D'autres fois, la mafia commence à mettre ses hommes en place dans une entreprise qui existe déjà. Petit à petit, notamment avec de l'intimidation, ses hommes prennent le contrôle de l'entreprise, isolant le président ou l'entrepreneur qui a fondé la compagnie. «La mafia utilise des "front men" qui n'ont pas de casier judiciaire. Mais en réalité, l'entreprise est sous le contrôle de la mafia», dit Antonio Nicaso.
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JENNIFER GUTHRIE
MÉTRO
20 octobre 2009 00:50
La chef de Vision Montréal, Louise Harel, s’est emportée au cours du week-end contre les sources anonymes qui ont permis à Rue Frontenac, puis à TVA et à Radio-Canada de mettre en lumière les liens entre son ancien lieutenant, Benoit Labonté, et le controversé homme d’affaires Tony Accurso.
Selon plusieurs intervenants du milieu médiatique pourtant, les sources anonymes demeurent souvent le seul moyen de rendre publique une histoire explosive.
Fabrice de Pierrebourg, journaliste en lock-out du Journal de Montréal qui travaille présentement pour le site Ruefrontenac.com, a été le premier à révéler les rencontres passées entre Tony Accurso et Benoit Labonté.
Il lui aura fallu un mois pour interviewer une quinzaine de sources, la plupart anonymes, et publier sa série d’articles.
Louise Harel, bien qu’elle ait eu de bons mots pour le journalisme d’enquête, n’a pas été tendre envers les méthodes utilisées.
«Porter des accusations à visage caché n’a pas de bon sens, a-t-elle déclaré diman che, lors de l’annonce de la démission de M. Labonté. La politique se passe dans les studios de télévision à visage découvert. Cette supposée crainte de représailles n’est pas justifiée dans la société où nous vivons.»
M. de Pierrebourg n’a pas apprécié la critique.
«Je trouve que c’est une tactique grossière qui consiste à entraîner le débat sur un autre terrain, a-t-il affirmé en entrevue à Métro, hier. L’histoire n’est pas de savoir qui m’a parlé, mais de savoir ce qui est reproché à Benoit Labonté et pourquoi Louise Harel a nié les faits révélés.»
La base du journalisme d’enquête
«Les sources anonymes sont souvent la seule façon de faire du journalisme d’enquête, a estimé André Béliveau, chargé de cours en journalisme à l’Université de Montréal. C’est une méthode de travail légitime.»
Antoine Char, professeur de journalisme à l’UQAM, est du même avis. «Les journalistes ont le devoir moral de sortir la nouvelle tout en respectant l’anonymat de leur source lorsque demandé, a-t-il assuré. Autrement, ils sont condamnés à couvrir des conférences de presse où la cassette est de mise.»
Vieille pratique
Plusieurs histoires qui ont marqué le milieu journalistique ont été dévoilées grâce à des sources anonymes. Il suffit de penser au Watergate, qui a mené à la démission du président américain Richard Nixon en 1974, ou au scandale des commandites, qui a bouleversé la politique fédérale au début des années 2000.
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Louise Leduc
La Presse
Fraîchement rentré de vacances en France et sidéré d'avoir lu au retour tout ce qui s'est passé à Montréal en son absence, le juge à la retraite John Gomery réclame à son tour une commission d'enquête publique sur les méthodes de financement des partis municipaux montréalais.
Aux côtés du chef de Projet Montréal Richard Bergeron - à qui il sert de caution morale et de président d'honneur de sa campagne de financement- John Gomery croit que l'idée de se satisfaire de simples amendements aux lois existantes ne tient pas. «Le problème est trop systémique, ça ne serait qu'un band-aid», a-t-il dit en conférence de presse.
Les citoyens «sont assoiffés de vérités, les gens ont le droit de savoir, et le plus vite possible, qui a fait quoi, qui a donné quoi et à qui».
Tout en se gardant bien d'aller plus avant dans la comparaison, John Gomery a néanmoins relevé que ce qui se passe à Montréal lui rappelle sous certaines facettes une certaine commission sur les commandites qu'il a présidée. À Ottawa comme à Montréal, «la nécessité de financer les campagnes électorale était à la base de toute la corruption (mise au jour).»
Il faut que les élections se gagnent enfin «au mérite des programmes et des candidats» et non plus parce qu'on les achète, a plaidé le juge Gomery.

